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Cesser de raser pour tout reconstruire

lundi, avril 9th, 2012

Il y a un mythe très occidental qui glorifie celui qui est parti de rien et qui réussi brillamment, du conquérant qui transforme des terres sauvages en cultures à perte de vue, du génie, de l’inventeur qui, de son seul cerveau énonce une découverte capable de faire avancer si ce n’est le monde du moins la science. Mais voilà, petit problème à cet esprit conquérant: les terres sauvages sont habitées de peuples indigènes, les forêts vierges sont des réservoirs de biodiversité, les découvertes s’élaborent la plus part du temps à partir de découvertes antérieures et, en milieux urbains, beaucoup de centres commerciaux sont construit sur d’anciens quartiers ou des friches rasées. Rares sont les conquêtes et les constructions qui n’ont pas commencer par raser  une part de notre patrimoine .“Raser pour reconstruire” appartient au radicalisme arrogant des pouvoirs abusifs qu’il soient détenus par les maîtres du monde ou par des roitelets locaux élus ou juchés sur juste ce qu’il faut de pouvoir  pour leur donner un peu de hauteur et l’arrogance de celui qui sait mieux que les autres et à la place des autres. Des paveurs de bonnes intentions ou profiteurs de toutes sortes qui nous dessine l’enfer, ou, en tout cas, le règne du tout marchant et de  la tyrannie de la mondialisation. Que ce soit au nom du profit, du progrès ou de belles croyances nous ne cessons d’être témoins des blessures, des crimes et des drames humains, sociaux, et écologiques de l’idéologie du “raser pour mieux reconstruire”.

Le Bien Commun

Les bulldozers de ces raseurs détruisent avant tout notre bien commun, le patrimoine qui appartient à l’humanité.  Ces soustractions infligées, ces vols, ces pertes sont souvent définitives, irréparables. Une plante ou un animal qui disparait, une langue qui s’éteint, un quartier rasé ou une œuvre protégée par un droit d’auteur trop restrictif sont autant d’érosions et d’atteintes au bien commun. Les terres vierges ont été défrichées et sacrifiés avec elles les êtres qui les peuplaient. La diversité fait place à une monoculture à la fois biologique et culturelle. Notre terre, nos villes, aussi dévastées soit-elles sont notre Bien-commun. Notre résistance à la monoculture passe par une culture de la diversité tant culturelle que biologique. Aussi, naturellement, j’imagine un festival itinérant participant d’une écologie de la pensée, d’une culture de la diversité. Une manière symbolique, mais pourquoi pas aussi physique de cartographier l’existant, d’identifier les zones, les niches, les friches, les caves, les cours intérieures, les espaces petits ou grands où le multiple existe pour l’éclairer d’une autre manière. Mais aussi semer des graines dans des brèches ou simplement  préserver les petits espaces où le “sauvage” reprend ces droits, faire de la place aux “mauvaises herbes” et à des espaces de créativité. Un festival pour donner un peu plus de place au petit, au local et à la générosité du vivant. Un festival pour résister avec nos moyens, aussi modestes soit-il à l’érosion des cultures plurielles. Un festival pour laisser le foisonnant nous envahir et laisser vivre dans nos villes les chauves-souris, les grenouilles et les abeilles. Un festival pour rendre un peu plus perméable les lignes droites et les frontières tracées entre le sauvage et la culture. Cesser de vouloir tout maîtriser, faire de la place, ouvrir et laisser le lierre grimper sur nos caméras de surveillances.

 

Les jardins de résistance

dimanche, janvier 22nd, 2012

Voici ici l’intégral du texte de Gilles Clément.Un texte précieux, essentiel de celui qui m’a le plus fait réfléchir autour de la notion de jardin. Gilles Clément est entré en résistance et à posé le concept de « jardin de résistance » et à rompu tous ces contrats avec l’Etat Français suite à l’élection de Nicolas Sarkozy. Le modèle proposé par le gouvernement actuel étant incompatible avec une gestion précautionneuse de l’espace que nous partageons avec les plantes et les animaux qui nous assurerait un futur. Il a posé se signe fort en disant aussi que la résistance ne devait pas se limiter à une nation et qu’elle doit être planétaire. Il dit encore qu’aujourd’hui les états nations n’ont pas les moyens d’engager cette résistance parce que ils sont pieds et poings liés parce que orientés par les lobby. Les actes de résistances peuvent être menés et le sont déjà, par des individus et des associations à échelle locale.

Ici le jardin est entendu au sens large et implique tous le rapport que nous entretenons avec le vivant. Nous sommes dépendant de la biodiversité et nous nous devons d’avoir une attitude respectueuse, une conscience de la fragilité de cet équilibre vital et par conséquent agir selon le principe des Amérindiens qui disaient que nous devons penser chacun de nos actes en nous demandant quelles conséquences ils auront sur les 7 générations futures.

 

Rêve en sept points pour une généralisation des jardins de résistance

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Par jardin de résistance il faut entendre l’ensemble des espaces publics et privés où l’art de jardiner – qu’il s’agisse de jardins vivriers ou de jardins d’agrément , de parcs urbains ou d’espaces d’accompagnement de la ville , de territoires appartenant au tissu de la cité ou à celui de la campagne – se développe selon des critères d’équilibre entre la nature et l’homme sans asservissement aux tyrannies du marché mais avec le souci de préserver tous les mécanismes vitaux , toutes les diversités – biologiques ou culturelles – dans le plus grand respect des supports de vie ( eau , sols , air ) et dans le plus grand souci de préserver le bien commun et l’humanité tributaire de ce bien commun .

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A travers les jardins de résistance se définit un art de vivre qui ne concerne pas seulement la question du jardin mais , d’une façon globale , le rapport de l’homme à son environnement social et biologique où , selon les critères issus du  Jardin en Mouvement   l’économie de vie consiste à  faire «  le plus possible avec et le moins possible contre les énergies en place  ». Cela s’applique aux gestes quotidiens dans tous les domaines d’action .La notion de résistance trouve son extension possible à tous les niveaux  . Ce faisant  il convient de se tenir en permanence en alerte afin de ne pas se trouver emporté par le flux consumériste , les idéaux de développement et les tromperies empruntant au langage de l’écologie pour , en réalité ,  en faire un objet marchand .

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Les jardins de résistance développent des techniques précautionneuses de l’environnement . Ils proposent de vivre selon un mode peu consommateur des biens communs et , sur ces bases , élaborent les règles d’une  économie nouvelle .

Celle-ci résulte de deux mécanismes antagonistes :

–    l’un des mécanismes , le brassage planétaire des êtres et des systèmes issus des échanges distants , aboutit à une série de réajustements biologiques et sociétaux : les écosystèmes émergents .

–    l’autre mécanisme , la relocalisation des échanges et des  systèmes de distribution , permet de placer en situation minimales les coûts globaux de production (ou de gestion) et, partant , de limiter les pollutions diverses et  le bilan carbone à leur part la plus réduite.

Le brassage planétaire multiple les rencontres et les échanges entre les êtres et les systèmes culturels  historiquement isolés les uns des autres . Des rencontres et des échanges résulte une hybridation naturelle et culturelle participant au mécanisme global de l’évolution .

La relocalisation des échanges et des systèmes de distribution issue du brassage planétaire doit être interprétée comme le versant le plus significatif de  l’économie émergente nécessairement induite par les nouvelles configurations d’échanges (les écosystèmes émergents) mais aussi par les nouvelles urgences : dépenser moins et juste , consommer moins et juste , développer une dynamique du partage .

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L’économie émergente des jardins de résistance intègre de ce fait  deux dynamiques opposées :

–    l’une associée aux échanges distants induisant la dépendance

–    l’autre associée aux échanges locaux permettant l’autosuffisance

L’économie émergente des jardins de résistance ne privilégie pas l’une ou l’autre de  ces deux dynamiques en tant que volumes échangés mais elle se positionne par rapport  à la dépendance et à l’autosuffisance en postulant que :

–    les échanges non vitaux se trouvent associés à la distance donc à la dépendance . Un accident de distance  aurait sur l’économie émergente un impact circonstanciel non significatif et ne la mettrait pas en péril .

–    les échanges vitaux se trouvent associés au local donc à l’autosuffisance . Un accident de distance ne saurait en altérer le fonctionnement .

–    aucun des échanges vitaux ou non vitaux envisagés dans le cadre des jardins de résistance ne sont supposés  contribuer à la dégradation des équilibres biologiques et sociétaux .

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D’ores et déjà les jardins de résistance existent sur la planète sous forme atomisée . L’atomisation du système répond à la logique de l’autosuffisance qui ne justifie pas , a priori , de mise en réseau .

Dans le cadre d’une politique valorisant les principes de l’économie émergente issue des jardins de résistance et , plus généralement de la notion de  Jardin planétaire ,  il deviendrait nécessaire de fédérer le système sans le dévoyer de ses objectifs par un carcan législatif mais en lui fournissant les moyens de la coordination pour :

–    établir des échanges équitables

–    développer  des plates formes d’échanges artistiques et scientifiques de haut niveau

–    d’une façon générale , favoriser les échanges de biens immatériels issus de la diversité culturelle sur la planète.

L’atomisation du système joue en faveur de la résistance car , ainsi , il se rend difficilement saisissable .

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Tout le temps que durera dans les esprits l’idée que seul prévaut le modèle du capitalisme il conviendra d’opposer à la machine destructrice qu’il représente une quantité de plus en plus grande et de plus en plus assumée de «  résistances » sur la planète , telle une voie lactée que le temps charge en force et en densité .

La substitution , quasi mécanique , d’un système par un autre se fera alors de façon implosive , sans désastre nécessaire , par un glissement irrépressible et logique de l’iniquité des charges vers la répartition des charges , de l’iniquité des biens vers une possible répartition des biens – au moins statistiquement – et de la privatisation du bien commun vers la libération de celui-ci .

Dès lors il sera possible d’appliquer au système atomisé un principe fédérateur et d’élaborer une politique conforme à l’idée de  Jardin planétaire.

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Le Jardin planétaire prolonge et unifie sous un seul concept  les Jardins de résistance . Supposons la résistance ayant joué son rôle partout sur la planète il devient alors possible de développer un projet d’écologie humaniste .

Le Jardin planétaire argumente sur la notion de diversité, insiste sur la  haute dépendance  de l’humanité à la diversité (biologique et non biologique) et , par conséquent , sur la fragilité de l’espèce humaine   . Il pose une question centrale : « Comment exploiter la diversité sans la détruire ? » .Toute altération des équilibres écologiques entraînant la disparition des espèces non humaines par l’espèce humaine condamne cette dernière à la disparition . Une vision scientiste de l’avenir, substituant la performance des technologies aux gestions précautionneuses des ressources naturelles ne ferait que précipiter le « jardin » dans sa propre destruction .

Le Jardin planétaire suppose une connaissance du vivant combiné à un usage raisonné des technologies d’assistance . Il suppose un accroissement général du  savoir  suffisamment élevé pour que le principe gestionnaire du « jardin » conduise en permanence à un équilibre d’énergie entre ce qui est prélevé et ce qui est restitué au milieu . Il en résulte une gouvernance centrée sur l’Homme symbiotique : celui par lequel l’équilibre est maintenu tandis que se maintient sur la planète une capacité des systèmes biotiques à poursuivre les mécanismes de l’évolution .

En théorie développer ces sept points permet d’ établir les priorités d’ une nouvelle gouvernance et , par déduction , la charge programmatique d’un nouvelle politique . Celle-ci nous amène alors à l’émergence d’un nouveau gouvernement avec ses ministères et ses fonctions . Comme dans un rêve on voit se dessiner les lignes d’une nouvelle Constitution où les articles premiers , au lieu d’argumenter sur la mise en concurrence des sociétés , parle du partage et de l’accroissement des connaissances .